La Grande Guerre ne dura qu'un jour...
1917 : Rugby, Nouvelle-Zélande, lanceur de grenade et 74e R.I. !!
Deux jours après le lancement officiel des commémorations liées au Centenaire de la Grande Guerre, une rencontre en test-match entre les équipes de rugby de la France et de la Nouvelle-Zélande aura lieu ce samedi 9 novembre au Stade de France, et sera notamment l'occasion de se souvenir des soldats néo-zélandais engagés dans ce conflit.
Cette rencontre sera aussi le moment idéal pour se remémorer un autre match de rugby qui opposa, le 8 avril 1917 au bois de Vincennes, l’équipe de l’Armée française à celle de l’Armée néo-zélandaise. La France s’inclina – et pas qu’un peu ! – sur le score éloquent de 0 à 40.
Quel rapport avec le 74e R.I. ? Il est anecdotique, certes, mais mérite, à cette occasion, d’être remis en lumière pour qui s’intéresse au rugby … et au 74e R.I. ! A l’issue de ce match, un trophée fut remis à l’équipe néo-zélandaise : coupe de circonstance, puisque figurée par un bronze représentant un combattant français lançant une grenade... A la guerre comme à la guerre !
Cette figure fut modelée par Georges Chauvel quelques temps plus tôt, lors d’un congé de convalescence obtenu à la suite d’une blessure reçue sur front. Georges Chauvel (néà Elbeuf en 1886), dès avant guerre, se destinait à la sculpture et, après le conflit, dont il réchappa, fit, dans cet art, une très belle carrière. Mobilisé comme simple soldat au 129e R.I. du Havre en août 1914, il passa, fin 1917 ou début 1918, au 74e R.I. (7e Cie) et y termina la guerre comme lieutenant de réserve, après avoir étéà nouveau blessé lors des combats d’Oulchy-la-Ville, en juillet 1918.
Si de courtes biographies de cet artiste-combattant du 74e R.I. m’avaient donc appris qui était l’auteur du trophée remis le 8 avril 1917 à l’équipe de rugby de l’Armée néo-zélandaise, je n’avais en revanche aucune idée de ce à quoi ressemblait cette œuvre. Et les quelques appels lancés via internet restèrent sans réponse sur ce sujet. Or, il y a quelques temps, parcourant les pages d’un album-photos ayant appartenu au lieutenant Brunet (chef de l'escorte du 7e Chasseurs à Cheval affectée à l'E;-M. de la 5e D.I.) mis en ligne par les Archives du Cantal, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant, à la fin de cet album, une photo, assez sombre, représentant la sculpture… d’un lanceur de grenade ! Utilisant les possibilités de zoom offertes par l’interface, assez rapidement je repérais, sur le socle de l’œuvre, la signature de Georges Chauvel. L’heureux homme qui avait photographié cette sculpture avait eu le bon goût de le faire sur le profil portant la griffe de l’auteur !
Georges Chauvel avait également modelé un buste du général Mangin qui fut longtemps le commandant de la 5e D.I. à laquelle appartenaient les 129e et 74e R.I. Mais de ce buste, à priori acquis par le Musée de l’Armée, point de trace à ce jour…
Le trophée du « lanceur de grenade » ou « voltigeur », encore intitulé« Coupe de la Somme » est-il quelque part en Nouvelle-Zélande depuis ce match de 1917… ? Lancement du Centenaire oblige, Il aurait été sympa de remettre symboliquement à l'équipe gagnante du match de ce samedi 9 novembre 2013 une copie du trophée de 1917 sculpté par Georges Chauvel...
Si quelqu’un a d'autres infos qu’il n’hésite surtout pas à m’en faire part !
Sources :
Archives du Cantal : Album Brunet
Gallica : Sur Georges Chauvel : L’Art et les Artistes, 1929
Il y a 99 ans : Rouen, le 22 novembre 1914, départ de la classe 1914... Etude collaborative
Les Archives Départementales de la Seine-Maritime ont, à l’occasion du Centenaire de la Grande Guerre qui se profile, mis en ligne une série de documents dont le très intéressant cliché ci-dessus. Nous avons pensé, Valérie, Isabelle, Arnaud, Xavier (cliquer sur chacun de ces prénoms pour accéder aux pages concernées) et moi-même, qu’il pourrait être profitable de tenter une étude collaborative de cette photographie. Ainsi, chacun, en fonction de ses connaissances et du champ de ses recherches personnelles, questionnera le document sous un angle qui lui sera propre, offrant un commentaire singulier que viendront compléter les trois autres analyses.
La légende proposée par les Archives Départementales nous apprend qu’il s’agit d’un cliché pris par un photographe amateur, Louis Chesneau[1], qui nous montre le « départ de la classe 1914 pour le front [le] 22 novembre 1914 », ajoutant qu’il s’agit « d’une troupe rouennaise. »
La première fois que j’ai vu cette photographie – outre que les clichés concernant la classe 1914 ne sont pas si courants et sont donc, par essence, intéressants – je notais la présence de deux officiers du 74e R.I. au centre du groupe. Ce détail ne pouvait qu’attiser ma curiosité. Troupe rouennaise… 74e R.I. … ça collait très exactement avec mes centres d’intérêt ! Cependant, en y regardant de plus près, je m’aperçus que, hormis l’adjudant ou le sous-lieutenant à l’extrême gauche du groupe, la plupart de ces soldats portait l’écusson du 119e R.I. Donc, encadrement du 74e R.I., mais hommes du 119e R.I. essentiellement[2].
La légende nous indique qu’il s’agit du départ pour le front de jeunes soldats de la classe 1914. Et en effet, divers éléments viennent confirmer l’imminence d’un départ. La photo a très certainement été prise au moment même où ces soldats allaient quitter Rouen : les effets semblent neufs, le paquetage est complet ; de petits drapeaux ont été fichés dans le canon des fusils Lebel. Un prêtre est là, venu certainement encourager de ses services ceux qui partent pour le front et ses dangers. Quant aux officiers du 74e R.I., qu’à ce jour je n’ai pu identifier, rien ne permet de préciser leur fonction : sont-ils simplement venu saluer, au moment de leur départ, les jeunes soldats qu’ils ont formés depuis le mois de septembre ? Vont-ils les accompagner sur le front ? Et dans ce cas, leurs feuilles de route les destinent-ils à rester sur le front ou bien à revenir au dépôt une fois le renfort arrivéà destination ? Rien, me semble-t-il, ne permet de trancher.
Il est d’ailleurs temps de se poser la question de la destination de ces hommes. La majorité des écussons (certainement cousus récemment) indique une affectation au 119e R.I. Le bon sens plaide donc pour que ce renfort, instruit et formé par le 74e R.I., soit finalement destiné au 119e R.I. Et un coup d’œil au J.M.O. de cette unité nous apprend effectivement qu’un « renfort de 392 hommes, venant du 74e R.I., plus deux officiers » a été réceptionné le 26 novembre 1914 par le régiment. Ce sont bien de ces hommes dont il s’agit, et le J.M.O. précise également que les deux officiers sont des sous-lieutenants, ce qui disqualifie à priori les deux lieutenants présents sur la photo.
On notera aussi que sur la photo, ne pose qu’une trentaine d’hommes sur les 392 qui forment le renfort annoncé. Aussi, on peut légitimement supposer que d’autres clichés, semblables à celui-ci, et permettant de fixer sur la pellicule l’ensemble des sections qui composèrent le renfort[3], ont été pris par Louis Chesneau au moment du départ, et on peut espérer qu’ils ont été conservés... Aussi, les deux sous-lieutenants affectés au 119e R.I. sont-ils peut-être sur un de ces hypothétiques clichés…
Nous savons qui a pris la photo, nous savons quand elle a été prise et qui sont les hommes photographiés ; nous connaissons, à défaut de leur destin, au moins leur destination. Pour clore cette petite étude il est légitime de se demander où ont été photographiés ces hommes. De prime abord, on ne pense presque pas à se poser la question tant la réponse semble évidente : il s’agit de soldats, à Rouen, se préparant à partir pour le front : nous sommes donc au moment du départ dans une caserne rouennaise. Cependant, rien n’est moins sûr : la photo a tout autant pu être prise à proximité de la gare de départ ou encore dans une annexe au dépôt commun des 74e, 274e R.I. et 22e R.I.T. de Rouen.
Pour le cas où la photo aurait été prise dans la caserne du 74e R.I., pour qui connaît un peu le régiment et la caserne Pélissier où il tenait garnison à cette époque, l’identification des lieux devrait à priori se faire sans grande difficulté… Malheureusement, le cadre de la photographie est assez resserré et nous disposons donc de peu d’éléments d’identification dans le champ de vision offert. Néanmoins les lieux, même s’ils ne sont que très brièvement suggérés par de minces repères (type de constructions, présence de motifs en briques rouges, physionomie du mur d’enceinte etc.) me semblent familiers. J’ai vraiment le sentiment que nous sommes bien dans la caserne Pélissier. De tout évidence les immeubles en arrière-plan ne sont pas des bâtiments militaires, et nous serions donc dans l’enceinte même de la caserne. Mais les petites constructions situées juste derrière les hommes ne sont pas forcément parlantes. Sur quelques photos, je retrouve des éléments très approchants mais la ressemblance n’est pas déterminante.
J’ai des photographies montrant de nombreux aspects de la caserne Pélissier, prises à des époques et sous des angles différents. Et même trop peut-être car il m’aura fallu tout de même un peu de temps pour fouiller et scruter ces documents et pour, surtout, trouver le cliché qui allait me permettre de situer définitivement cette photo – ce qui arriva avec un cliché daté de 1902, pris presque sous le même angle que notre photographie, mais d’un point beaucoup plus éloigné qui nous permet de resituer le maigre décors proposé par la photographie de Louis Chesneau dans un plus vaste ensemble bien plus parlant… qui n’est autre que la caserne Pélissier.
A gauche, la photo de L. Chesneau, en regard de laquelle j’ai mis un détail du cliché de 1902 : on y retrouve tous les éléments présents sur la photo de novembre 1914 : les différentes habitations civiles en arrière plan, le mur d’enceinte et les petites constructions (appentis-séchoir, maisonnette) qui y sont adossées, et même le réverbère fixéà l’extrémité du corps de garde.
Nous sommes dans l’angle nord-est de la caserne. En reprenant le cliché de 1902 dans son intégralité, nous découvrons l’environnement du cliché de novembre 1914 : une grande partie du corps de garde, le grand bâtiment de casernement formant l’aile gauche de la caserne, la place d’armes, etc. Dans la foulée, j’ai trouvé un autre cliché, datant de 1913, qui montre que ce n’est pas la première fois que les soldats se faisaient photographier en cet endroit de la caserne :
Aujourd’hui, de la caserne, détruite dans les années 1970, il ne reste rien. Aux alentours, seul subsiste l’immeuble qui fait angle entre la Rue du 74e R.I. (ex-Rue Bonne Nouvelle) et celle de l’Amiral Cécille et que l’on distingue bien sur la photographie de Louis Chesneau et sur les autres clichés proposés ci-dessus. Au pied de cet immeuble, un bistro… Ce débit de boisson était-il déjà là en 1914 ? Les jeunes hommes photographiés par Louis Chesneau y levèrent-ils leur verre à la victoire dans le petit matin blanc du 22 novembre 1914 ? Leur dernier verre ?
Pour finir et pour situer la scène, voici un croquis de la caserne Pélissier réalisé il y a quelques temps à main levée, sans mesure, ne me basant que sur de vieilles photos prises au sol. J’ai fait figurer :
- Par un point vert : l’endroit où se tenait Louis Chesneau, le photographe ;
- Par trois points rouges : la place occupée par le groupe de soldats ;
- Par un point bleu : l’immeuble, toujours existant de nos jours et au pied duquel se situe Le Bistro, marquant l’angle des rues du 74e R.I. et de l’Amiral Cécille.
[1] Pour en savoir plus sur Louis Chesneau, voir : http://www.normandie-impressionniste.fr/node/259
[2] Il me semble également deviner un homme portant un képi du 5e R.I. dans le fond, à gauche
[3] Pour être complet sur la nature de ce renfort, il faut préciser que le 26 novembre 1914, soit le jour où le 119e R.I. recevait ces 392 hommes en provenance du dépôt du 74e R.I., le 74e R.I., très proche du 119e sur la ligne de front alors fixée le long de la Route 44 au nord de Reims, recevait lui-même, et de la même provenance, un renfort de 40 hommes et de 15 sous-officiers. Il est fort probable que ce renfort soit parti le même jour de Rouen que celui que nous étudions, mais que les cols et képis de ces hommes portaient le n° 74. Un cliché de ce groupe, dans la suite de celui que nous étudions, existe peut-être…
Des yeux bleu horizon...
Le "Canard du Boyau - Nouvelle Série" n° 3 est arrivé !
Le "Canard du Boyau - Nouvelle Série" n° 3 est arrivé !
Le "Canard du Boyau - Nouvelle Série" n° 3 est arrivé !
Les fêtes de fin d'année se profilant, nous l'avons fait bien gras et l'espérons goûtu !
Joyeuses fêtes et à l'année prochaine !
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Voeux !
1914. "Les Morts du Christ..."
"Le Christ a vu les blessés qui passaient sur la route,
sanglants sur les brancards et la face de cire ;
et, parfois, l’un d’entre eux le regardait au passage
et maudissait son nom en criant de souffrance !
Ces jours-là, le Christ, méprisé, suppliait le ciel avec des sanglots :
« Oh mon père, pitié pour ces hommes qui tuent !
Vois mon corps tout meurtri et déchiré ! Ne sois pas sans pitié,
pardonne à leur folie ! J’ai souffert et donné ma vie pour les sauver !
Je puis mourir encore pour ces hommes que j’aime !
Donne abri dans ton ciel à tous ceux qui s’en vont
et fais moins dure leur souffrance ! »
Guy Hallé, Là-bas avec ceux qui souffrent, Garnier, 1917.
Le Canard du Boyau : numéro 4 !
Un peu de lecture pour la plage ! Le n° du Centenaire du "Canard du Boyau - Nouvelle Série" est là. Bon, j'ai triché un peu en le datant du 2 août 2014, mais c'était trop tentant, hein... Fallait faire la blague... C'est pas tous les jours un centenaire...
Le journal est accessible en suivant ce lien :
A lire, à télécharger, à imprimer ! et toujours gratuit !!
A bientôt et bonnes vacances à ceux que cela concerne.
#JeSuisCharlie - Hommage du Canard à Charlie - 7 janvier 2015
Vœux 2015
Auguste Rouzé - Deux portraits éloignés de 60 ans...
De la classe 1912, Auguste Rouzé est mobilisé avec le 74e R.I. (12e Cie) et blessé au cours du combat de Roselies (près Charleroi) dès le 22 août 1914. Membre de l'Amicale parisienne du régiment - il en sera d'ailleurs le secrétaire trésorier durant de longues années et dès l'après guerre - il revient en Belgique, très exactement 60 ans plus tard, lors d'un des derniers pélerinages de l'Amicale sur les traces du premier engagement du 74e. Il décèdera en février 1984.
Le Canard du Boyau : numéro 5 !
A lire, à télécharger, à imprimer et à partager ! Le Canard du Boyau"Nouvelle Série" n° 5 est arrivé !
Canard à trois pattes... pages, mais pas le temps de faire mieux actuellement.
Bonne lecture !
Fichier pdf à télécharger ci-dessous :
>>> 05___Le_Canard_du_Boyau___05 <<<
Le Canard du Boyau : numéro 6 "spécial hécatombe" !
Déjà ??? Eh oui... mais un tout petit numéro, juste pour marquer la date du 22 mai 2015, 99 ans jour pour jour après la tentative de reprise du fort de Douaumont. Un échec et près de 2000 hommes tués, blessés ou disparus, sur les 2800 alignés le matin du 22. Donc, simplement quelques lignes à lire pour se souvenir d'eux. J'aurais pu en mettre trente pages, mais je n'en ai malheureusement pas le temps... A télécharger au format .pdf, juste en dessous, là :
>>> 06___Le_Canard_du_Boyau___06 <<<
Le Canard du Boyau : un numéro 7 estival !
Un numéro estival du Canard du Boyau ! Nouvelles fraîches pour votre canicule !
Vous y lirez, en vrac, les débuts du Service Photographique des Armées, vos rubriques habituelles "Petite bibliothèque du 74e", "Un parmi d'autres", etc., et, totalement inattendue - scoop absolu - une belle page sur le Tour de France qui, cette année, "à l'insu de son plein gré", et après avoir consacré sa 5e étape au Centenaire de la Grande Guerre, a dédié la 6e étape de la Grande Boucle à la seule mémoire du 74e R.I. !!!
Bonne lecture, et bonnes vacances pour ceux qui en prennent !
A lire, à partager, à emmener à la plage, mais d'abord à télécharger au format .pdf, juste en-dessous de cette ligne, là :
>>> 07 - Le Canard du Boyau - 07 <<<
"Canard du Arnaud" euh... "du Boyau" | Numéro 8 !
Les trombes d'eau de cette rentrée glissent sur les plumes du Canard... Avant qu'il ne revienne, bien requinqué par ce bel été passé, avec son n° d'automne et du Centenaire - le Canard a tout juste 100 ans ce mois-ci ! - voici quelques colonnes d'un bref n° 8 qu'il fut heureux de partager avec l'ami Arnaud, l'Arnaud, le seul et le vrai ! Petite étude d'une photographie faite en duo, à lire, pour ce qui est de la partie d'Arnaud, directement sur son site, ici, et pour ce qui relève du Canard lui-même, dans le numéro 8 du même Canard, à télécharger ci-dessous (histoire de compléter votre belle collection) :
>>>08 - Le Canard du Boyau - 08<<<
Bonne lecture et à bientôt !
Les 650 photos du médecin Verney !
Un bref message pour signaler un témoignage remarquable et inédit : plus de 600 photos prises par le médecin René Verney tout au long de la campagne qu'il a faite essentiellemnt au 43e R.A.C. Il a passé cependant quelques mois à la tête du service de santé du 2e bataillon du 74e R.I. en 1918, alors que le régiment était engagé en Champagne, dans le secteur de Souain. Son petit-fils, Antoine, a crée un très beau site pour exposer ces documents uniques et a pris soin de contextualiser avec une grande rigueur les clichés de son grand-père.
N'attendez plus et allez découvrir ce site :
René Verney, un médecin normand dans la Grande Guerre
(Il se trouve dorénavant dans les favoris, sur colonne de droite de ce blog)
La Peur, le Courage & la Souffrance
Le 22 mai 1916, il y a très exactement 100 ans, le 74e R.I. était engagé pour la seconde fois sur le champ de bataille de Verdun. Le morceau à enlever n'était rien moins que le fort de Douaumont... Aujourd'hui, je veux simplement penser à tous ces hommes, jeunes et moins jeunes, qui, à 11 h. 50, se sont dressés sur le no man's land, au milieu du fracas du bombardement et des tirs de mitrailleuses que la préparation d'artillerie n'a pas su museler... Trois mots m'obsèdent : la Peur, le Courage et la Souffrance. Ce fut tout cela à la fois pour ces 2800 hommes... Ils sont allés au bout de ce qu'il était humainement acceptable... et sans doute au-delà pour beaucoup...
Notre devoir, aujourd'hui, est bien modeste et bien aisé en regard de ce qu'ils ont vécu : ne pas les oublier - ceux qui sont tombés comme ceux qui sont revenus.
Je vous propose simplement trois documents en mémoire de ces terribles journées de mai 1916 à Verdun :
- L'ordre matinal précisant l'heure H qui n'est généralement dévoilée qu'au dernier moment...
- Les impressions de Guy Hallé, sous-lieutenant à la 5e Cie, à la réception de cet ordre...
- Un extrait d'une lettre du lieutenant-colonel Brenot datée de juin 1916 dans laquelle il évoque brièvement les terribles pertes de son régiment...
Voeux
En marche ! ;-)) Manœuvres du 74e, 1902. Corvée d'eau pour Brasseur et Goujon
Les trois pipes du 74e !
Elles comptent certainement parmi mes plus belles et émouvantes trouvailles concernant le 74e R.I. Trois belles bouffardes sorties tout droit des tranchées piétinées il y a un siècle par le régiment... "74e régiment d'infanterie" gravé sur l'une et, sur les trois, les noms de différents secteurs ou engagements du régiment - noms que j'ai régulièrement évoqués sur ce blog : Thil, Chauffour, Berry-au-Bac, le Labyrinthe, Neuville-Saint-Vaast, Verdun, la Caillette, Douaumont, les Eparges... Un véritable petit historique du régiment gravé sur bois, de 1914 à 1916...
J'espère que le bonhomme a eu la chance de pouvoir en fumer et graver d'autres pour patienter jusqu'au 11 novembre 1918 et s'en tirer... Le bonhomme, je ne le connais pas... ses initiales sont gravées, oui... mais c'est un peu court pour l'identifier... Il y a aussi sa poule... "Ma Suzy" gravé sur une autre... Voilà.. je vous présente donc les trois pipes du "Poilu à Suzy", un brave et discret héros du 74e...
Il reste un peu de tabac desseché dans l'une... Merde... c'est quand même vraiment émouvant... ces bouffardes qui se sont trimballées en musette ou au bec, de Thil aux Eparges, via l'Artois et Verdun.... les compagnonnes des nuits longues et fraiches... tous les jours un peu réconfortantes...
C'est là.. les voilà ...
Les Aveyronnais du 74e... Une bien triste histoire de fond de tiroir…
Ils sont arrivés au 74e R.I. le 12 juin 1915, en pleine bouillie d’Artois…
– Les voilà !
Le premier déboule avec son « goitre volumineux »… deux autres suivent… ils crachent leur « bronchite chronique »… Un quatrième, « anémique et de constitution débile », leur emboîte le pas… Plusieurs parmi le groupe traînent simplement une « faiblesse générale », mais ils se la traînent vraiment… Un peu à l’écart, c’est Joseph… lui, il arrive avec son « infantilisme » et ricane bêtement avec Julien, l’autre « idiot » de la bande… Loin derrière s’en profilent deux autres encore : un se trimballe une « tumeur volumineuse au cou » et l’autre s’étouffe dans ses « troubles cardiaques »… Auguste, lui, il ne sait pas trop ce qu’il fait là… ça se comprend… « faiblesse de corps et d’esprit » qu’il a… Et puis il y a aussi Amans et son « bégaiement », Saturnin et son « insuffisance de poids », Jean et son « imminence bacillaire », Antoine et ses « varices remontantes », et l’autre Jean encore et son « inaptitude physique »… un autre Auguste tout piqueté d’un « eczéma chronique du cou »… Julien avec sa « tuberculose pulmonaire »… et tous ceux qu’on ne connaît pas… les autres…
Il fallait recompléter le régiment et donc, ce jour-là, environ 1200 hommes sont affectés au 74e, dont 300 en provenance des 13e et 16e Régions militaires. Le défilé de bras cassés auquel nous venons d’assister compte parmi ceux qui ont été prélevés dans la 16e Région militaire. Plus précisément encore, ils dépendent du bureau de recrutement de Rodez, situé en Aveyron. Ce sont donc quelques aveyronnais qui arrivent ainsi, au milieu des normands et des parisiens... Si, à cette date, le bassin de recrutement traditionnel du 74e R.I. fournit encore la grande majorité des hommes qui lui sont versés en renfort, les pertes sont si importantes qu’il faut faire feu de tout bois et aller chercher des hommes un peu ailleurs… et donc, pourquoi pas en Aveyron !
J’avais remarqué, dans la liste des tués du régiment, ce petit contingent d’aveyronnais. Une trentaine de tués de l’Aveyron au 7-4 laissait supposer l’arrivée d’un contingent respectable… Cela ne m’avait pas tracassé outre mesure, puisque ça s’expliquait… Les renforts, tout ça… Toutefois, la mise en ligne des feuillets matricules m’a pousséà y regarder de plus près, encouragé en cela par Jean-Claude P. qui effectuait ce genre de recherches sur « son » régiment, le 97e R.I. J’ai donc pris ma petite liste d’aveyronnais repérés dans les rangs du 74e R.I. – la plupart tués au cours de la guerre – et j’ai cherché leurs feuillets matricules… et je n’ai pas été déçu…
Sur les 28 recensés, seuls trois ont un parcours classique que rien ne vient distinguer : d’origine aveyronnaise, ils sont nés à Paris ou y résidaient – genre garçons de café. A la mobilisation, ils sont appelés à rejoindre les rangs du 74e R.I., puis la guerre et toute la suite… classique.
Ce n’est pas la même chose concernant les 25 autres… De constitution fragile, malades ou psychologiquement défaillants, ils ont tous en commun d’être passés, ou repassés, dans les premiers temps de la guerre, devant une commission de réforme chargée de désencombrer les dépôts, mais aussi de faire les « fonds de tiroirs » parmi tout un petit peuple laissé sur le bas-côté de la grande boucherie : ainsi, beaucoup de ceux que leur état de santé, au temps de leur service militaire, avait faits exempter, réformer (n° 2) ou classer dans le service auxiliaire, ont été ce coup-ci jugés « bons pour le service armé » …
Et voilà comment ce petit peloton de 25 hommes (plus tous les autres «chétifs » qui les accompagnaient et que je n’ai pas encore identifiés), animés certainement du plus grand courage mais tout de même bien fragiles, s’est retrouvé dans la cour d’une caserne à apprendre le métier de soldat… Je ne sais pas ce qu’ils ont appris, mais ils ont dû le faire vite : pour la plupart, incorporés en février 1915, ils furent envoyés sur le front quatre mois plus tard : le 12 juin 1915, ils étaient donc versés au 74e, en Artois. Les braves gars d’Aveyron allaient dérouiller…
11 furent tués dans les trois mois qui suivirent (dont trois dès le mois suivant) ; 12 autres, tués à Verdun en avril et mai 1916, tinrent un an, à peine. Un ne sera tué qu’en octobre 1918 ; deux s’en sortir… Bien sûr, ces chiffres sont à relativiser dans la mesure où je ne connais pas le nombre total d’aveyronnais s’inscrivant dans le même parcours… mais ils ne devaient pas être des masses… 300 provenant des 13e et 16e Régions militaires… donc pour faire simple, peut-être 150 de la 16e région… peut-être 50… 100 tout au plus du recrutement de Rodez… ? Je pense que cet échantillon d’une petite trentaine permet d’illustrer assez nettement un aspect bien réel et bien triste de ce conflit…
A tort ou à raison – ce n’est pas mon propos –, on a souvent parlé de chair à canon à propos des soldats issus des colonies françaises envoyés contre les barbelés allemands… Ces aveyronnais que l’on a repêchés au fin fond de leur faiblesse pour en faire de bien déglingués soldats destinés à combler les vides, ce n’était pas forcément autre chose… Et l’on peu avancer, sans trop craindre de se tromper, que ce ratissage des plus faibles fut pratiqué sur tout le territoire… Dans quel(s) régiment(s) ont été versées les « petites natures » de Paris ou de Normandie ?
- Télécharger ci-dessous l'article complet (format Word) avec ses annexes (et les éventuelles mises à jour) :
Sources
- Fichier des Morts pour la France
- Archives départementales de l’Aveyron
- S.H.D., 24 N 76
- http://combattant.14-18.pagesperso-orange.fr/ParcoursMobilises/JacquesSauvageot.html